Le déconfinement, lancé le 11 mai, s’accompagne du retour progressif des salariés sur leur lieu de travail alors que l’épidémie n’est pas terminée. Un retour que les entreprises doivent organiser tout en réduisant les risques sanitaires, mais également les risques psychosociaux qui pèsent sur les salariés.

Publié le 2020-07-10 11:00:00

Le déconfinement, lancé le 11 mai, s’accompagne du retour progressif des salariés sur leur lieu de travail alors que l’épidémie n’est pas terminée. Un retour que les entreprises doivent organiser tout en réduisant les risques sanitaires, mais également les risques psychosociaux qui pèsent sur les salariés.

Prendre en compte le vécu de chacun Le confinement n’a pas été vécu par tous de la même façon. L’entreprise doit en tenir compte.

Le retour de confinement n’est pas un retour de congés. Si certains salariés sont revenus ou reviendront reposés et prêts à redémarrer comme si rien ne s’était passé, ils constituent l’exception. La période que nous venons de traverser ne peut donc être occultée autour d’une simple discussion devant la machine à café, d’autant qu’elle continue de produire des effets sanitaires et économiques qui impacteront l’entreprise durablement. La question se pose alors de savoir comment organiser le retour de tous les collaborateurs sans risquer de créer un sentiment de maltraitance et de l’inquiétude.
Pour l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS) qui a récemment consacré une étude à ce sujet, répondre à cette question suppose de déployer une approche personnalisée. En effet, si le confinement s’est imposé à tous, il reste une expérience intime. Chacun l’a vécu de manière différente psychologiquement, mais également matériellement. Certains ont été touchés par le Covid-19 ; d’autres ont été contraints de prendre en charge, à la fois, leur travail et l’éducation de leurs enfants dans des conditions difficiles, d’autres enfin, placés en activité partielle, se sont sentis abandonnés. « Il est important de tenir compte de cette diversité et de faire en sorte que l’encadrement de proximité, soutenu par la direction, fasse un accueil individualisé et s’enquière de la situation de chacun », préconise l’INRS.
Concrètement, prendre le temps d’écouter les salariés en souffrance suite à cette période inédite s’impose. Le cas échéant, d’ailleurs, dans les situations les plus délicates, il ne faudra pas hésiter à faire intervenir le médecin du travail lorsque, notamment, un retour au bureau aménagé constitue une solution à étudier. Collectivement, il est également conseillé d’organiser régulièrement des réunions pour faire le point sur la manière dont cette reprise d’activité est vécue par les salariés.

Protéger et rassurer les collaborateurs Adopter les gestes barrières dans l’entreprise et communiquer sur sa situation économique permettent de lever des inquiétudes.

Le virus circule encore et il n’existe ni traitement ni vaccin, à ce jour. Dans ces conditions, reprendre les transports en commun, retourner au bureau, sur un chantier ou partir à la rencontre de prospects ou de clients est source d’inquiétude. Il faut donc rassurer les salariés. Et pour les rassurer, la première chose à faire est de leur offrir des conditions de travail qui les protègent au maximum des risques de contamination. C’est une obligation de l’employeur et, en la circonstance, cela se traduit par l’adoption de mesures dites « barrières ».
Du sanitaire…
Elles sont décrites par le menu dans un « protocole national de déconfinement pour les entreprises ». Un document d’une vingtaine de pages librement téléchargeable sur le site du ministère du Travail. Les entreprises y sont invitées à adopter une série de bonnes pratiques visant à bloquer la circulation du virus (règles de circulation, port du masque, lavage des mains, distanciation sociale, désinfection des surfaces et aération des locaux…), mais aussi à prendre rapidement en charge les salariés développant des symptômes. L’application de ces règles suppose quelques aménagements de locaux (flèches indiquant le sens de circulation, fermeture de certains espaces collectifs jugés trop à risque, installation de distributeurs de gel hydroalcoolique…), mais aussi et surtout un travail d’information à mener auprès des salariés. Des salariés qui sont tenus de respecter ces nouvelles règles édictées pour les protéger.
Idéalement, un petit livret les reprenant (papier ou numérique) sera remis à chaque collaborateur dès son retour. Elles pourront également être affichées dans un espace fréquenté par les salariés.
Il est important de régulièrement rappeler le caractère impératif de ces mesures. Sur ce point, l’encadrement doit être exemplaire et ainsi ne pas s’en affranchir au risque de les voir abandonner par un certain nombre de salariés. Un abandon qui ne manquera pas d’amplifier le risque sanitaire et le niveau d’inquiétude dans l’entreprise.
… à l’économique
Mais l’inquiétude des salariés n’est pas que sanitaire. Le Covid-19 a déjà, et va encore, dans les mois ou les années qui viennent, provoquer d’énormes dégâts économiques. Aussi, l’avenir de l’entreprise, le cas échéant sa survie, devient, plus que jamais, un sujet de préoccupation pour tous les salariés. Il convient alors d’être le plus transparent possible et ainsi « d’informer les salariés, en leur fournissant des éléments factuels sur la marche de l’entreprise, ses perspectives économiques et sociales, les évolutions d’organisation et de procédures, les mobilités internes… Cela permettra d’atténuer le sentiment d’insécurité », rappelle l’INRS.

Sauver le collectif Apaiser les tensions nées, notamment, de la mise en place des mesures barrières est absolument nécessaire.

Tant que perdurera l’épidémie, l’entreprise devra fonctionner en mode dégradé, notamment en raison de l’application des mesures barrières. Une situation qui pourra générer des tensions entre les salariés. Ces dernières pouvant naître, par exemple, des « différences de traitement » qui ont été appliqués à chacun par l’entreprise durant le confinement : les salariés « indispensables » ont continué à travailler, les autres ont été « relégués » en activité partielle. Un risque de tension que, pour l’INRS, l’entreprise devra rapidement neutraliser en précisant qu’aucune « situation n’est à valoriser par rapport à une autre (…). Toutes ces situations ont été mises en œuvre pour surmonter une crise et non pour procurer un avantage, une reconnaissance ».
Un mode de travail dégradé
Si le confinement laissera des traces, les conditions de travail inévitablement dégradées par l’adoption des mesures barrières risquent également d’électriser le climat et ainsi de nuire au collectif. Et là encore, l’entreprise est invitée à rappeler que ce n’est pas elle qui est à l’origine de leur adoption, mais bien une crise sanitaire mondiale. Qu’en outre, l’entreprise a conscience que la mise en place de ces mesures barrières dégrade les conditions de travail et, qu’à ce titre, les délais et les process de production doivent être, le cas échéant, rediscutés. Sans quoi, une fois encore, ceux sur qui elles ont le moins d’incidence seront, à nouveau, considérés comme favorisés par ceux dont elles compliqueront notablement le travail. C’est le cas, par exemple, des salariés en contact avec les clients qui devront à la fois répéter inlassablement des gestes d’hygiène (nettoyage des terminaux de paiement à chaque opération ou d’un guichet), mais aussi subir les incivilités des clients irrités de devoir respecter des gestes barrières (file d’attente, port du masque…) ou s’exposer pour les contraindre à le faire.
Tirer les leçons de la crise
Enfin, cette période de confinement a été l’occasion de mettre en place, et très souvent pour la première fois, de nouveaux modes de travail. Des enseignements sont à tirer de ces expériences et personne, surtout pas les salariés, ne comprendrait qu’on ne le fasse pas. Chaque entreprise est donc invitée à passer en revue son fonctionnement lors de cette période inédite afin de mettre en lumière les efforts et l’inventivité déployés par les salariés, d’identifier les pratiques à pérenniser (télétravail, aller vers une plus grande autonomie des salariés, repenser les modes de communication…) et celles à proscrire.

Article écrit par Frédéric Dempuré et publié le 2020-07-10 11:00:00 – © Les Echos Publishing – 2020